Crise économique: s'attaquer au système !

Publié le par Cédric.B

Entretien avec Martine AUBRY, paru dans Le Journal du Dimanche du 5 octobre 2008.


Face à la crise financière, Martine Aubry avance ses pistes pour revenir à un capitalisme plus encadré par l'Etat. Si la maire de Lille admet que certaines décisions venues de la présidence de la République vont dans le bon sens, elle souhaiterait que ces mesures aillent plus loin. L'architecte des 35 heures dénonce également la politique du chef de l'Etat depuis sa prise de fonction. Nicolas Sarkozy veut toucher aux privilèges des patrons. Etes-vous satisfaite?

Les stock-options comme les parachutes dorés sont les symboles d'un système qui récompense des dirigeants de manière souvent indécente, et même scandaleuse lorsqu'ils ont échoué. Il faut encadrer sévèrement ces pratiques. Mais s'attaquer à ceux qui ont utilisé le système, sans s'attaquer au système lui-même, est inopérant. C'est bien le système libéral qui est en cause: celui qui a conduit aux crises énergétiques, alimentaires, sociales et financières. Après avoir traité l'urgence de la crise financière, il faudra non seulement mettre des règles dans le système bancaire, mais aussi relancer l'économie, l'emploi et le pouvoir d'achat. C'est la priorité des Français. Il ne suffit pas de jouer au pompier en temps de crise, il faut aussi être l'architecte d'un nouveau modèle économique, sociale et écologique.

Mais la logique des stock-options a joué un rôle dans la crise?
Elle fait partie d'un tout: la perte des repères, le tout financier, la dictature du court terme. Il y a vingt ans, j'ai vécu les débuts de la financiarisation des esprits dans le monde économique quand j'étais cadre dirigeant chez Pechiney... Jean Gandois, mon patron d'alors, était un véritable chef d'entreprise, comme Antoine Riboud. Mais combien de chefs d'entreprise prennent des décisions en ayant les yeux rivés sur les cours de Bourse et sur les rémunérations qu'ils peuvent en attendre!

Et comment remettre de la logique?
La rémunération des chefs d'entreprise devrait être liée aux résultats économiques à moyen et long terme, à la préparation de l'avenir plus qu'aux résultats financiers à court terme. Il faut, en outre, que les stock-options comme la distribution d'actions gratuites soient taxées comme les salaires. Aujourd'hui, elles sont considérées fiscalement comme des gains en capital: elles échappent à l'impôt sur le revenu et à la plupart des cotisations sociales. De manière plus globale, pour valoriser l'économique, les taux d'impôt sur les sociétés devraient par exemple être modulés au bénéfice des entreprises qui réinvestissent les profits en leur sein plutôt qu'en les distribuant à leurs actionnaires.

Fallait-il sauver les banques?
Oui, il fallait à la fois garantir aux Français leurs dépôts, ce qui a été fait, et sauver les banques qui allaient à la faillite. C'est ce qui a été fait pour Dexia comme pour Fortis en coordonnant les actions nationales. Hier, le G4 a proposé de continuer dans cette voie. Je souhaite qu'on impose aux banques que cet argent public revienne à la collectivité quand la situation sera rétablie. Sans cela, les Français ne comprendraient pas cette intervention, alors qu'ils perdent une partie de leurs économies dans les PEA ou les assurances-vie.

Le gouvernement est plutôt volontariste!
C'est bien de proposer des règles quand tout va mal, c'est encore mieux de le faire quand tout va bien! Or, depuis un an et demi, Nicolas Sarkozy réduit les impôts des plus riches, fait reculer l'Etat et les services publics, casse les protections collectives, bref dérégule. Et au lendemain du discours de Toulon, où il réclame des règles et la relance, il annonce un budget de restrictions qui va encore accroître la crise en rognant sur l'emploi, le logement, les dotations aux collectivités locales: trois domaines qu'il aurait fallu booster pour relancer le pouvoir d'achat et l'investissement. Pour ce faire, Nicolas Sarkozy aurait dû reconnaître son erreur, supprimer le bouclier fiscal comme l'exonération des heures supplémentaires.

Propos recueillis par Claude ASKOLOVITCH

 

Publié dans Actu

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